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Au moment ou ces lignes sont écrites, le Landerneau économique est saisi d’une angoisse. Alors que, depuis 2008, ce sont les banquiers centraux qui, de fait, dirigent réellement le monde par l’application de politiques de taux toujours plus bas anesthésiant quasi totalement les marchés, voici que surgit l’impensable question. Et si le « COVID19 », autrement appelé communément « coronavirus », était plus fort que les banques centrales ? Les autres facteurs d’inquiétudes sont, comme d’habitude, ignorés puisque depuis 2008 les marchés financiers sont (mal ?) habitués à ce qu’au moindre problème un tant soit peu notable, les injections massives de liquidités et les mouvements de baisses de taux continuent d’alimenter les marchés et de permettre à la plupart des Etats (et aux entreprises…) un endettement toujours plus important. D’ailleurs, il y a quelques semaines seulement, de nouveaux records sur les indices boursiers ont été battus, preuve que les actions restaient, à défaut d’autres support hormis peut-être l’immobilier des grandes métropoles, les seules classes d’actifs pouvant présenter une certaine rentabilité. Le notion de risque, si attachée usuellement à ce type d’investissement, semblait d’ailleurs n’être qu’une vague notion tant la confiance en l’interventionnisme des banques centrales était fort. Mais là, malgré les actions notables d’abord de la Banque de Chine, puis de la Fédéral réserve en attendant surement la BCE, c’est le « coronavirus » qui semble bien forcer les investisseurs su monde entier à revenir aux réalités.

En fait, deux hypothèses peuvent être envisagées. Soit ce virus est un peu plus actif que la grippe, et dans quelques semaines plus personne (ou presque) n’en parlera, ou bien il est réellement très dangereux et l’impact sur les économies mondiales risque fort d’être ravageur. D’ores et déjà, les déplacements humains sont en forte baisse, au moins en Asie, les productions de marchandises restent très inférieures à celles qu’elles étaient fin 2019. Les informations en provenance de l’empire du milieu semblent toutefois un peu rassurantes ces derniers jours. Bref, il est à la fois trop tôt pour se prononcer, mais ce passage, même s’il ne dure pas, va surement laisser quelques traces. Le pétrole se retrouve à des niveaux inférieurs à 55$ et l’or reste sur des niveaux appréciables, signe des grandes inquiétudes. Pour autant, s’il est rapidement avéré que l’épidémie est en phase de reflux sensible en Chine et qu’elle reste globalement sous contrôle ailleurs, les rebonds risquent d’être violents, à la hauteur des peurs engendrées par ce phénomène que nos civilisations toutes empreintes d’une modernité urbaine avaient oubliée. On est à des années lumières (heureusement !) de la « grippe espagnole » qui, il y a un siècle, a fait plus de victime dans le monde que le premier conflit mondial, mais cette réminiscence diffuse de nos peurs ancestrales ne peut que nous rappeler l’insoutenable fragilité de l’être. En revanche, il est possible que nos chers banquiers centraux, vexés qu’une entité vivante si minuscule puisse contester leur pouvoir, mettent en œuvre des solutions encore moins « conventionnelles » que celles mises en place depuis maintenant une dizaine d’années. S’ils se sont trompés, il pourront, à l’instar d’Oscar Wilde, déclarer que « l’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs ».

Les chaines de télévisions d’outre Atlantique se sont très longtemps spécialisées dans les feuilletons à rallonge, les “soap opéra”, des histoires un peu à l’eau de rose qui s’étalaient sur de nombreuses années.

Le record absolu est détenu par la série « haine et passion » (Guiding Light) qui a été diffusée de 1952 à 2009 sur la chaîne CBS. Cette anecdote, allez savoir pourquoi, me fait irrésistiblement penser à la tragi-comédie que nous font vivre, en direct et sans coupure de publicité, Messieurs Trump et Xy. On image les commentateurs à l’affût : « y aura-t-il enfin un accord commercial entre Chine et USA » ? Le suspense est à son comble. Et les marchés ne savent plus à quel saint (tweet ?) se vouer. Le problème c’est que cela commence à durer un peu trop longtemps, chacun y allant de ses déclarations tantôt rassurantes, tantôt menaçantes. Et il y a de quoi y perdre le peu de Latin qui nous reste. De fait, alors que les signes de ralentissement économique semblent bien se multiplier et que les dirigeants des banques centrales ne savent plus trop quoi dire, et faire, pour tenter d’enrayer l’inéluctable. Nous avons souvent évoqué dans ces commentaires le côté dérisoire et même dangereux à long terme des politiques de « quantitative easing ». Et maintenant, nous assistons à la fuite en avant avec les taux négatifs, même la Grèce (la Grèce…) vient d’emprunter à 10 ans aux taux de -0.02%. Absolument impensable il y a quelques années. La phase ultime va-t-elle être, du moins au sein de l’Union Européenne, de « l’hélicopter money », c’est -à-dire la distribution d’argent gratuit à tous les citoyens de l’UE ? Bien sur, de doctes penseurs expliquent que ces politiques sont menées de mains de maîtres par des argentiers qui maîtrisent parfaitement la situation. Que cet argent, présent ou futur, déversé sans retenue va alimenter la sacro-sainte consommation qui , elle-même, va faire tourner l’économie. Ce qui est pour l’instant palpable et réel, c’est la massification des hausses sur de nombreuses classes d’actifs dont l’immobilier n’est pas la moindre. Avec des prêts aux durées rallongées et des taux historiquement bas, il serait étonnant qu’il en soit autrement. Et pourtant, cela ne semble pas, pour l’instant, avoir les effets escomptés sur les taux de croissance des principaux pays industriels, l’OCDE venant de réviser  à la baisse le chiffre mondial à +2.9%, la France restant assez loin du peloton de tête européen avec +1.3% mais pour une fois devant l’Allemagne qui espère +0.50% cette année. Cependant, on peut écrire que, jusque là, tout va à peu près bien. Certes, si les sujets d’inquiétudes géopolitiques ne manquent pas, notamment dans la zone du golfe persique et au Moyen Orient, ils ne semblent perturber plus que de façon anecdotique les marchés financiers. Les attaques de drones sur les installations pétrolières saoudiennes semblant déjà oubliée, le baril de pétrole étant quasiment au prix antérieur à cette attaque. Alors que faire ? Doit-on prêter attention aux dires des Cassandres, prédisant un tsunami de baisses généralisées de marchés financiers, pire qu’en 2008 ? Ou alors doit-on rester stoïque, faire confiance aux institutions, aux banques centrales, aux états, et considérer qu’au final tout cela n’est pas bien grave et que tout fini toujours par s’arranger ? Cruel dilemme. En fait, comme nous l’avons très souvent évoqué, les états, avec la complicité implicite des banquiers centraux, ont presque tous (Allemagne, Pays-bas, Autriche, Luxembourg mis à part) continués à s’endetter massivement. A tel point que nous avons sûrement atteint un seuil de non retour, ce qui signifie que les dettes d’états ne seront peut-être jamais remboursées. Qu’importe puisque seuls les revenus de ces dettes semblent avoir de l’importance. Or, dans de nombreux cas, elles ne rapportent plus rien aux créanciers, mais au contraire ceux-ci doivent payer pour posséder de la dette « qualitative ». Une sorte de monde à l’envers. Alors l’affrontement entre USA et Chine qui est en fait un combat de suprématie technologique, n’est peut-être pas si important que cela. Ceci dit, Louis Ferdinand Céline disait « on ne meurt pas de dettes. On meurt de ne plus pouvoir en faire ».